L’action de Complot à l’Unesco, le tout dernier roman d’Alain Bernard Marchand, se déroule en grande partie à Paris, siège de l’institution onusienne du titre. L’auteur y est certainement allé plusieurs fois et a sans doute écrit son roman en (re)gardant, près de son ordinateur, un plan détaillé de la Ville Lumière. À Paris, « chaque coup d’œil entre en moi et devient une école du regard. Je réapprends à regarder. »
Texte de Paul-François Sylvestre, publié dans : J’ai pour mon lire
Le narrateur est un diplômé de l’Université d’Ottawa, qui écrit les discours de l’ambassadeur canadien à l’Unesco. L’auteur, également diplômé de l’université ottavienne, a déjà écrit les discours de la gouverneure générale Michaëlle Jean. Il sait que « frayer le passage des mots sur la page vers une bouche qui se les approprie est une expérience au-delà du réel ».
Le titre du roman parle de complot. Il faut lire jusqu’au dernier mot pour le découvrir, car Alain Bernard Marchand aime multiplier les fausses pistes, ce qui lui permet de nous décrire des personnages hauts en couleurs. « Il suffit de quelques signes pour qu’un écrivain comme un archéologue restitue des vies entières ».
Ce qui est fascinant dans ce roman, ce sont les brèves réflexions, presque lapidaires, qui en parsèment le récit. L’auteur écrit, par exemple, que « côtoyer (une personne) équivaut à la réinventer ». Ou encore que « le cœur est aussi menteur que la raison, mais plus rusé ».
À travers son narrateur, Alain Bernard Marchand réfléchit sur les souvenirs qu’on garde en mémoire, allant jusqu’à se demander s’ils ne chevauchent pas entre réalité et fiction. « Les raconter ne consiste pas à les rendre tels quels, mais tels que nous croyons les avoir vécus. »
Le style du roman demeure finement ciselé, les comparaison et métaphores toujours bien sculptées. Les yeux sont ceux « d’un oiseau de mer qui approche des côtes et cherche où se poser ». Quant au temps, il « est un sablier qui contient le désert ».
Il y a des propos qui ont « de quoi donner soif à un prohibitionniste, et la berlue à un rigoriste ». Sans compter « un personnage de Dostoïevski égaré dans un roman de Tolstoï » ou une rue « aussi sombre que la prison de Socrate ». Le narrateur, lui, est « dégourdi comme un valet de Molière, inventif comme une fugue de Bach ».
À l’image de certains personnages, Alain Bernard Marchand est un helléniste. Je me demande si son livre de chevet n’est pas écrit en grec ancien… Pour lui, « avancer dans une phrase et dans le monde part d’un même élan ». Il aime décrire une atmosphère ou un milieu « inimaginable ailleurs que dans un roman ».
Complot à l’Unesco renferme plein de références à l’Histoire ancienne, de même qu’à des livres, chansons et films contemporains. Tout le roman baigne dans une culture générale aussi raffinée que transcendante.
À une exception près (poésie de jeunesse), la douzaine de livres signés par Alain Bernard Marchand a paru aux éditions Les Herbes rouges. Ce tout dernier roman à la fois policier et psychologique est doublement exécuté avec brio.